Alors que des milliers de personnes se réunissaient pour la Conférence internationale du travail (CIT) à Genève, l'UITA et l'IBB ont organisé une manifestation au nom du Conseil des Global Unions pour demander à l'Organisation internationale du travail (OIT) d'invoquer l'article 33 de sa constitution à l'encontre de la junte militaire au pouvoir au Myanmar. L'article 33 autorise l'OIT à prendre des mesures lorsqu'un État membre ne se conforme pas aux recommandations de la commission d'enquête de l'OIT. Plus précisément, l'article 33 stipule que lorsqu'un membre ne se conforme pas aux recommandations, le conseil d'administration peut recommander à la CIT des mesures de nature punitive ou corrective, y compris des sanctions ou d'autres actions, afin d'assurer le respect de ces recommandations.
- Depuis plus de trois ans, la junte militaire n'a pas donné suite aux recommandations de l'OIT après qu'une commission d'enquête de l'OIT a constaté de graves violations des protocoles relatifs au travail forcé et à la liberté d'association.
- Les syndicats du Myanmar ont fait valoir que l'interdiction de leurs organisations et l'absence de liberté d'association constituaient de l'esclavage moderne ; la commission d'enquête de l'OIT l'a confirmé dans son rapport sur les violations massives de la liberté d'association et des conventions sur le travail forcé.
- Le régime militaire a tué plus de 4000 personnes, en a arrêté près de 26 000 et a suspendu les organisations de la société civile, y compris les syndicats indépendants.
Sue Longley, secrétaire générale de l'UITA, a déclaré : « L'UITA se joint à nos fédérations syndicales sœurs pour demander à l'OIT d'invoquer l'article 33 de la constitution de l'OIT. Les entreprises, y compris celles du secteur de l'hôtellerie et de la restauration qui continuent à apporter un soutien matériel à la junte militaire, doivent immédiatement cesser toutes leurs activités jusqu'à ce que la démocratie soit rétablie au Myanmar. »
Voir également le discours de l'UITA à la Conférence internationale du travail, prononcé le 11 juin 2024 :
Directeur général, président, délégués,
L'UITA est la fédération syndicale internationale qui représente des millions de travailleurs et travailleuses dans les secteurs de l'alimentation, de l'agriculture et de l'hôtellerie-restauration.
Nous saluons le rapport du directeur général intitulé Vers un nouveau contrat social. Il s'ouvre sur la déclaration suivante : « La justice sociale demeure un impératif et une condition essentielle de l’instauration d’une paix universelle et durable. » Nous pensons que le Myanmar devrait être l'un des pays sur lesquels l'OIT se concentre. C'est là que les gens luttent pour la justice et la paix sous une dictature militaire.
Depuis le coup d'État de février 2021, l'UITA, les fédérations syndicales internationales et la CSI ont soutenu les travailleurs et travailleuses du Myanmar en faisant campagne pour la restauration de la démocratie et la reconnaissance du gouvernement d'unité nationale (NUG), y compris sa participation à la CIT. Malheureusement, le NUG n'est toujours pas reconnu au sein du système des Nations Unies et la délégation n'est pas accréditée à cette CIT.
L'UITA est donc fière de prononcer ce discours au nom du NUG.
Le gouvernement d'unité nationale, né de la volonté du peuple par l'intermédiaire de député-e-s élu-e-s et de représentant-e-s de divers groupes ethniques, incarne cette aspiration. Il est la voix authentique des travailleurs et travailleuses, des employeurs et de la société civile du Myanmar qui aspirent à une démocratie qui consacre leurs droits fondamentaux, notamment le droit de s'exprimer librement, de se réunir pacifiquement et de travailler dans la dignité.
La junte militaire reste un tyran qui s'accroche au pouvoir par la peur. Les atrocités quotidiennes comprennent des violations des droits fondamentaux du travail et des droits humains, la torture et la destruction de maisons, de villages, d'hôpitaux et d'édifices religieux par des bombardements. Les dirigeant-e-s syndicaux-ales font l'objet de mandats d'arrêt, d'emprisonnements injustes sur la base d'accusations forgées de toutes pièces et de restrictions sur les voyages à l'étranger.
Des mesures récentes, telles que la loi sur la conscription forcée et l'interdiction pour les citoyens masculins de travailler à l'étranger, démontrent clairement la suppression des droits fondamentaux du travail et de la liberté de travail. La junte militaire recueille des données sur les jeunes, les harcèle sur leurs déplacements et effectue des raids de recrutement forcé dans les maisons et les villages.
La répression de la junte ne se limite pas aux jeunes et aux employeurs. Des entrepreneurs de services financiers, des banquiers et même le président de l'Association de l'industrie pétrolière ont été arrêtés, accusés de manipuler le taux de change et de gonfler les prix. Quatre entrepreneurs étrangers du secteur de l'huile de palme ont également été arrêtés.
Ce climat de peur s'étend aux lieux de travail, où le nombre réel de violations des droits du travail est probablement beaucoup plus élevé que les 212 cas locaux et 357 cas étrangers documentés par le ministère du Travail du gouvernement d'unité nationale depuis le coup d'État de 2021. Ces chiffres soulignent le mépris de la junte pour l'appel du Mécanisme d'enquête indépendant de l'OIT pour le Myanmar à mettre fin à toutes les violations d'ici le 1er octobre 2023.
Malgré les immenses défis, le NUG et son ministère du travail restent inébranlables dans leur engagement à faire respecter les droits des travailleurs et travailleuses. Mais ce n'est qu'en démantelant ce régime oppressif que le NUG pourra réellement protéger les droits de ses citoyens et citoyennes et construire l'avenir que le peuple du Myanmar mérite.
Les conclusions de la commission d'enquête de l'OIT et ses recommandations nécessitent une action urgente. La population du Myanmar ne peut pas attendre – la violence à son encontre continue de s'intensifier. La récente résolution des Nations Unies prolongeant le mandat du rapporteur spécial et l'appel international à l'action soulignent l'urgence d'une réponse unifiée.
L'UITA appelle tous les membres de l'OIT – gouvernements, employeurs et syndicats – à reconnaître la gravité de la situation et à soutenir une action immédiate lors de cette même conférence.
Comme en 2000, l'invocation de l'article 33 enverra un message fort de soutien au peuple du Myanmar.
Il est temps maintenant de prendre des mesures décisives et nous voudrions exhorter l'OIT et ses États membres à :
- Approfondir la collaboration avec le NUG : soutenir le mouvement démocratique et le peuple du Myanmar dans leur lutte pour la liberté.
- Reconnaître sans plus attendre le gouvernement d'unité nationale et veiller à ce qu'il soit accrédité pour la 113e CIT.
- Demander des comptes à la junte : Exiger la fin de la conscription forcée, des violations des droits humains et de la suppression de la démocratie. Utiliser tous les mécanismes de l'OIT, en particulier l'article 33 de la Constitution de l'OIT, pour garantir le respect des normes internationales du travail.
Le NUG est prêt à collaborer avec l'OIT et ses États membres pour construire un Myanmar fédéral et démocratique qui respecte et soutient la dignité de tous ses citoyens et citoyennes.
L'UITA et Global Unions soutiennent cet appel.
Nous vous remercions.